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Récit

Fragile

FRAGILE

C’était un trou. Un trou au travers duquel une portion du ciel bleu attira mon attention. Dans ce coin reculé de la forêt je me tenais immobile, captivé par la scène qui se déroulait devant moi. Oublié la cueillette de champignons sauvages, oublié la promenade dans la nature. Les rayons de soleil de cet après-midi d’automne filtraient à travers les feuilles créant des taches lumineuses sur le sol. Au centre de cette clairière une toile d’araignée large comme deux fois la taille d’une main occupant toute la surface du trou scintillait comme un joyau suspendu.

Et au cœur de cette toile perlée d’innombrables gouttelettes de rosée, un papillon était en lutte. Il livrait un combat désespéré pour la vie. Sa vie. Les nuances de ses ailes aux couleurs chatoyantes semblaient ternir face à la trame inflexible, créant une danse captivante entre fragilité et captivité. Chaque mouvement révélait à la fois la beauté éphémère du papillon et la cruauté silencieuse de la nature qui se déroulait sous mes yeux dans cette toile délicate mais impitoyable. Les fils collants parfaitement tissés, étaient un piège mortel qui neutralisait chaque battement d’aile. L’efficacité de cette toile qui semblait fragile était implacable. J’observai, fasciné presque hypnotisé par la beauté tragique de la scène. Le papillon était à la fois fragile et puissant, sa lutte pour la survie empreinte d’une grâce désespérée.

L’araignée, invisible dans l’ombre, attendait patiemment. Elle avait tissé sa toile avec une précision mortelle, et maintenant elle attendait sa proie. Je me demandai combien de temps le papillon pourrait tenir. Combien de battements d’ailes lui restaient avant que la soie ne l’engloutisse complètement ?

Je me sentis soudainement complice de cette tragédie. J’aurais pu intervenir, libérer le papillon de sa prison de soie. Mais je savais que c’était la nature qui suivait son cours. Et moi, sans vraiment y croire, un coup de vent fort, une brindille qui bouge, une feuille morte qui s’envole venant décrocher cette toile, un miracle peut-être ? Je ne m’arrêtais de répéter de moins en moins fort, de moins en moins convaincant ou convaincu de mes encouragements, presque implorant cet insecte comme s’il pouvait m’écouter, comprendre mon langage. Ah ! un chien, un chat aurait sans doute compris. Un oiseau peut-être, mais un papillon. « Allez vas-y sauve-toi ! Sauve-toi « Poupou-léngué » perle du vent comme sous d’autre latitude on te nomme. » La toile était un piège parfait, une œuvre d’art mortelle. Et le papillon, aussi beau soit-il, était destiné à devenir le repas de l’araignée.

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